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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/160

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L’Adieu du Poète

briser qui me dira l’amour de ma mère et le souvenir de ma patrie… un baiser de vous, Jeanne !… Un baiser, enfant, cela ne se refuse pas lorsque c’est la suprême aumône. Et si mes lèvres gardent un peu de votre âme, la tombe taira leur secret ? Penchez votre front jusqu’à ma bouche. Donnez-moi la joie implorée, et qu’un mourant a bien le droit de réclamer.

(Jeanne penche son front)

Merci, ma Jeanne, pour ce bienfait de votre tendresse. Il me semble, que dans l’au-delà, je vous retrouverai. Les anges d’ici-bas, ressemblent à ceux de là-haut…

(sa voix faiblit)
Jeanne (effrayée)

Regardez-moi ! Parlez-moi !

Crémazie

Je vous vois à peine, mais je vous sens là, tout près de moi ; et puis, j’entends la chanson de l’océan…

Entendez-vous ? Elle m’appelle encore. Oh ! oui, c’est bien moi. (Avec un sourire de bonheur). C’est la voix canadienne, je la reconnais… Elle me crie : Crémazie ! (Il se lève comme pour courir, et gesticule fortement) Voilà ! Je suis à toi, patrie ! Prends-moi…

Jeanne
(On frappe, Jeanne va à la porte, et revient avec une lettre)

Une lettre, une lettre pour vous ! Elle porte les timbres canadiens.

Crémazie

Une lettre… du Canada !… Oh ! donnez vite ! (Il prend la lettre, essaye de l’ouvrir avec une hâte fébrile, mais ses mains tremblent. Il la tend à Jeanne). Lisez pour moi, je vous en prie, je ne saurais…

Jeanne (lisant)

Mon cher fils.

Crémazie

C’est de ma mère !