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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/54

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Premier Péché

— Grand’mère, elle ! La voilà qui rit maintenant en jetant un regard vainqueur au miroir.

Puis sa pensée se reporte sur la nièce chérie, prise au chevet d’une mère mourante et élevée avec tant d’amour. De celle-là aussi il faudra se séparer, car ce matin, ne lui a-t-elle pas avoué avec mille câlineries, son intention arrêtée de partir pour le couvent. La jolie Marguerite s’en irait donc ; Marielle songeait à ce départ, le cœur serré, mais elle avait compris que la douce jeune fille était faite pour le cloître, sa pureté ne devait subir aucun souffle pernicieux.

Une larme mouilla les cils bruns. — Un coup discret frappé à la porte, — et son fils était à ses pieds. L’entourant de ses bras, il l’attira vers lui, et longuement l’embrassa.

— Mère, mère ! fit-il seulement, et dans ce seul cri vibrait un chagrin.

— Mon petit, qu’as-tu ? s’écria-t-elle, navrée de ce désespoir pressenti, et tremblant que son amour fût impuissant à garantir son enfant de toute peine.

Elle caressait de ses lèvres la tête blonde, et doucement, avec les paroles tendres qui ne sortent que du cœur maternel :

— Tu aimes, mon chéri, n’est-ce pas ? Tu peux bien te confier à ta mère. Ne crains pas de me faire souffrir. Ne sais-tu pas que tout mon bonheur est en toi ? Tu aimes ? Tu aimes ? dis ?… Voyons, veux-tu que je te facilite l’aveu ? Tu aimes… Et elle lui nommait toutes les jolies filles rencontrées dans le monde. Albert secouait la tête. Et à bout d’interrogation :

— Dis-le, alors, grand cachottier, puisque ta mère ne sait plus deviner ?

— Mère, c’est Marguerite, votre petite Marguerite que j’aime, voyons, ne sera-ce pas gentil de nous garder toujours avec vous ? Oh ! maman ; comme je la trouve belle et comme je l’aime. N’est-elle pas la meilleure, la plus pure, la plus spirituelle, et son sourire n’a-t-il pas un charme délicieux ?… Voyons, est-ce donc que vous êtes mécontente de cet amour ?

Marielle atterrée devant l’imprévu de cette révélation, était tremblante. Son fils aimait Marguerite ! Et Marguerite avouait il y a quelques heures, son vif désir de se donner à Dieu. En communiquant cette révélation à sa tante, la jeune fille n’avait pas faibli ; dans ses yeux passaient des lueurs d’extase, et sa lèvre souriait heureuse. Non, celle-là n’aimait que Dieu ! Marielle aurait deviné une douleur…

Ne sachant que répondre à ce grand enfant qui se désolait de son silence, elle appela.