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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/56

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Premier Péché

Un voile se déchire. Dans ces yeux, elle revoit d’autres yeux, et sur ces lèvres, un autre sourire. Dans une étreinte de toute l’ancienne tendresse, elle ramène sur son sein, la petite enfant, pour mieux l’embrasser.

— Tu serres fort, fit la fillette en riant. Est-ce parce que tu as trouvé mon nom joli ? Papa l’aime beaucoup et il m’embrasse bien fort lui aussi.

Maintenant les deux religieuses s’en vont, accompagnées de la jeune femme souriant avec grâce à la mignonne qui cause son gentil babil.

Elles sont sur le palier, quand une dame encore très belle, gravit l’escalier au bras d’un jeune homme qui semble être son fils. La première passe en saluant. Le jeune homme s’efface et respectueusement s’incline. Relevant la tête, son regard croise celui de la dernière religieuse. Dans un cri :

Marguerite !

— Papa, fit la petite fille en s’élançant.

Lui, la reçoit sur son cœur, puis regardant toujours la pâle figure tournée vers lui, son regard se fait suppliant.

Dans les yeux de la jeune religieuse est un bonheur infini.

Et s’en allant, tête basse, elle serre sur son cœur, la petite croix d’argent :

Merci, mon Dieu, merci !

***

Dans la chapelle blanche, tout est sombre, la pâle veilleuse dore de ses reflets mourants la statue de la Vierge, et fait errer sur les lèvres de Marie, le rayon céleste. L’air est encore parfumé des dernières senteurs d’encens, et le petit sanctuaire se vide bientôt ; les religieuses le quittent une à une.

Une seule, pieusement inclinée, s’abîme dans sa méditation. Soudain, elle se lève et s’avance, sa longue robe effleure le parquet : on dirait le bruissement des feuilles jaunies qui, l’automne, jonchent les sentiers.

Elle est maintenant à genoux devant la statue de la Vierge.

— Mère, merci d’avoir écouté ma prière. Vous l’avez fait heureux, Sainte aimée, je vous rends grâce. Vous avez apaisé ma douleur, et maintenant je puis être joyeuse sans remords. Oh ! ma sainte Vierge, je vous aime !

Elle pria longtemps, la douce créature qui se nommait autrefois Marguerite, et qui, pour les malheureux, les souffrants, les orphelins et les petits s’appelle aujourd’hui Sœur Louise !

On n’entendait dans la blanche chapelle que le murmure sorti de ce cœur ardent, prière d’amour, alléluia joyeux qui montait vers la Sainte, dans une éloquente oraison.

Et la flamme vacillante de l’éternelle veilleuse enveloppait, dans une même caresse, les deux vierges.