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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/6

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Premier Péché

avaient senti la tristesse du berceau si vite déserté. Pas de maman ! Mon Dieu, comme elles comprenaient l’horreur de ces mots, petits oiseaux frileux qui n’avaient jamais eu de nid ! Avoir appris à voler seuls… et sur leurs ailes, les pauvres sentaient encore des meurtrissures… Elles avaient au cœur des trésors de tendresse enfouis pour jamais. Est-ce que l’on donne cela à d’autres ? C’était leur cimetière, et une tombe blanche disparaissait sous les immortelles… Et toujours ce deuil terrible briserait leur vie, elles auraient, sans cesse, des larmes à donner à la douce vision, qui hantait parfois leurs rêves, pour caresser de ses lèvres le front des petites abandonnées…

— « La caisse est là, sœurette. Regardons, veux-tu ? Nous y trouverons toutes ces choses que notre petite mère aimait ? »

À genoux, elles soulevèrent le couvercle pour regarder ces précieuses reliques, qu’on leur confiait. Le premier objet : un album.

Elles l’ouvrirent avec émotion, et sur la première page, lurent le suprême adieu de la chère morte. C’était un testament d’amour ; il parlait de Dieu, d’amour filial et d’amour patriotique, car cette mère expirante rêvait, pour l’avenir, ses enfants toujours fidèles à trois cultes : la religion, la famille et la patrie :

« Du ciel, je vous regarde et je vous aime…

Il n’y avait plus rien, la plume avait peut-être glissé dans le dernier soupir.

Les fillettes sanglotaient pendant que de leur gorge contractée s’échappait, en un déchirement, ce seul mot : Maman ! Maman !

C’était la première fois que la mère leur parlait, cette voix d’outre-tombe, suavement, disait de grandes choses.

Le cher petit cahier !… T’en souviens-tu, Lizette ?…