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Page:Gleason - Premier péché, 1902.djvu/88

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Premier Péché

Comment le Chœur choisit


— C’est votre dernier mot, Mina ?

— Le dernier, oui, mon ami : je vous ai dit pourquoi je ne prenais pas part à cette excursion… Alors, c’est bien inutile d’insister…

— Ainsi, vous refusez de venir avec nous, parce que Yvette M. est invitée ? Et il ne vous convient pas de frayer avec cette jeune fille, parce qu’elle travaille ? Voyons, Mina, êtes-vous bien raisonnable, et ne pouvez-vous pas oublier ce détail pour me faire plaisir ? Je serais si content de vous voir près de moi, sur notre joli yacht ; nous y causerions de si douces choses…

La voix de Maurice se faisait caressante, il se penchait vers la jolie Mina, dont la fine bouche avait un pli dédaigneux, et l’enveloppait d’un long regard où l’amour et le chagrin se lisaient : elle ne vit rien ou refusa de voir.

Son petit pied battait nerveusement le tapis ; il vit son impatience.

— Ces préjugés, ma chère, ne sont plus de mise, et je ne puis guère demander à Mlle Yvette de rester chez elle ; tous nos amis sent heureux de la recevoir, elle est, me dit-on, fort gentille et jolie, bien élevée ; d’ailleurs, n’avez-vous pas grandi ensemble, chez les Ursulines ?

— Oh ! parfaitement, mais les temps ont changé… et puis, elle m’agace !…

— Mina, voulez-vous me faire un sacrifice ? Venez avec moi, j’ai besoin de vous, aujourd’hui, vous savez combien vous m’êtes précieuse ; il me semble que vous conjureriez l’influence que je sens planer sur moi… Mina, voulez-vous être ma mascotte ?

Il avait parlé avec émotion. Leurs regards se croisèrent, tous deux chargés de tendresse. Elle allait répondre et dire oui, quand une main souleva la portière et dans l’encadrement, une femme parut. Mina, dans un geste de regret, articula faiblement :

— Demandez à maman ?…

Maurice tourna vers la majestueuse femme les flots de son entraînante éloquence.

La figure de la mère se contractait : d’un ton compassé, elle refusa nettement.

— Non, finit-elle, de ce ton froid qui semble sortir de quelque