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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/187

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qui, tête à tête, chacun pour soi et ne pensant qu’à soi, s’enfonçaient dans les allées sombres, ou même entraient dans un kiosque fort obscur, sans qu’aucune mère, aïeule ou tante accourût pour s’en préoccuper.

« Quelles mœurs ! » se dit en lui-même Charles avec une vertueuse indignation. Mépriser ses hôtes, leurs amis, la population tout entière, lui causa une sensation ineffable. Il se sentit soulagé. On le comblait d’attentions et on l’étouffait de cordialité ; mais on l’offensait à chaque instant. Il était opprimé, et, ce qui est sans doute la plus dure des conditions, il éprouvait l’instinct secret de sa faiblesse, honorable, flatteuse même, puisqu’elle provenait de la distinction exquise de sa nature, mais enfin de sa faiblesse, et partant de son infériorité vis-à-vis de ces natures brutales. On peut imaginer que, dans les temps où les Barbares du Nord envahissaient l’Italie et, de gré ou de force, s’asseyaient dans toutes les chaises curules de l’Empire, les Romains élégants, qui réellement ne pouvaient pas prendre au sérieux des gens pareils, devaient éprouver des sentiments analogues à ceux ressentis par Cabert au milieu