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Page:Gobineau - Souvenirs de voyage. Cephalonie, Naxie, et Terre-Neuve , 1872.djvu/90

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commandant jugea nécessaire d’appeler à son secours toute la roideur civilisée afin de couvrir son émotion, et il s’imposa un air froid et compassé digne du pavillon britannique. Ce ne fut nullement sa faute si la démarche souple, noble, d’une grâce inouïe de la nouvelle arrivée présenta à sa mémoire l’hémistiche de Virgile sur la façon dont s’avancent les déesses ; ce le fut encore bien moins quand, la jeune fille étant assise, il vit les yeux de toute la famille attachés sur les siens et toutes les bouches souriant avec le plus candide orgueil, tandis que M. de Moncade lui disait de l’air d’un homme qui expose une vérité incontestable :

— Je pense que vous n’avez jamais rien vu d’aussi beau que ma filleule Akrivie ?

Chacun parut attendre la réponse du commandant avec une entière confiance ; l’objet d’une telle remarque sourit sans nul embarras, et parut convaincue elle-même qu’il était impossible de disputer sur ce qui venait d’être dit. Norton, ahuri d’une infraction si exorbitante à tous les usages et aux plus sacrées convenances, prit une attitude embarrassée et fit un salut. On ne saurait absolument répondre qu’il ne