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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/126

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un modèle pour ses descendants. Laban et les siens remarquent, sinon la ruse, du moins le résultat. De là des brouilleries ; Jacob s’enfuit avec tous les siens, avec tout son avoir, et il échappe à la poursuite de Laban, soit par bonheur soit par adresse. Ensuite Rachel lui donne encore un fils, mais elle meurt en couches ; Benjamin, l’enfant de la douleur, survit à sa mère. Cependant la perte apparente de Joseph doit causer au patriarche une douleur plus grande encore.


On demandera peut-être pourquoi je présente encore ici avec détail ces histoires connues de tout le monde, répétées et expliquées si souvent. Il me suffira de répondre que je ne saurais d’aucune autre manière exposer comment, au milieu de ma vie distraite, île mes études morcelées, je concentrais pourtant mon esprit, mes sentiments sur un seul point, pour une action secrète ; que je ne saurais d’aucune autre manière décrire la paix qui m’entourait, si tumultueux et bizarre que fût le monde extérieur. Si une imagination toujours occupée, comme le témoigne le conte rapporté plus haut, m’entraînait de tous côtés ; si le mélange de la fable et de l’histoire, de la mythologie et de la religion, menaçait de m’embrouiller, j’aimais à me réfugier dans ces contrées orientales, je me plongeais dans les premiers livres de Moïse, et, parmi ces tribus pastorales au loin répandues, je me trouvais à la fois dans la plus grande solitude et la plus grande société.

Ces scènes de famille, avant de se perdre dans une histoire du peuple d’Israël, nous présentent encore, pour conclusion, une figure devant laquelle la jeunesse surtout peut se bercer bien agréablement d’imaginations et d’espérances. C’est Joseph, l’enfant du plus ardent amour conjugal. Il nous apparaît calme, intelligent, et se prophétise à lui-même les avantages qui relèveront au-dessus de sa famille. Précipité dans le malheur par ses frères, il reste ferme et vertueux dans l’esclavage, résiste aux tentatives les plus dangereuses, se sauve par la divination, et se voit élevé, selon son mérite, aux plus grands honneurs. Il se montre utile et secourable, d’abord à un grand royaume, puis à sa famille. Il a le calme et la grandeur de son bisaïeul Abraham, la réserve et le dévouement de son grand-père Isaac. Il exerce en grand le génie industriel, qu’il a hérité de son père : ce ne sont plus des troupeaux que l’on gagne pour un