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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/13

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possible, savoir, que l’homme connaisse et lui et son siècle ; lui, jusqu’à quel point il est resté le même dans toutes les circonstances ; le siècle, en tant qu’il nous entraîne avec lui bon gré mal gré, nous détermine et nous façonne, de telle sorte qu’on peut dire que tout homme, s’il fût né seulement dix ans plus tôt ou plus tard, aurait été tout autre qu’il n’est, pour ce qui regarde sa propre culture et l’action qu’il exerce au dehors.

C’est dans cette voie, c’est de méditations et de tentatives pareilles, de souvenirs et de réflexions semblables, que s’est formé le tableau qu’on présente ici, et c’est en partant du point de vue de son origine qu’on pourra le mieux en jouir, en profiter et en porter le jugement le plus équitable. Ce qu’il y a peut-être à dire encore, particulièrement sur la forme demi-poétique, demi-historique, l’occasion d’en parler se trouvera sans doute plus d’une fois dans le cours du récit.




LIVRE PREMIER.

Le 28 août 1749, au coup de midi, je vins au monde à Francfort-sur-le-Mein. La constellation était heureuse ; le soleil était dans le signe de la Vierge et à son point culminant pour ce jour-là ; Jupiter et Vénus le regardaient amicalement et Mercure sans hostilité ; Saturne et Mars demeuraient indifférents ; seulement la lune, qui venait d’entrer dans son plein, déployait d’autant plus le pouvoir de son reflet, que son heure planétaire avait commencé en même temps. Elle s’opposait donc à ma naissance, qui ne put s’accomplir avant que cette heure fût écoulée. Ces aspects favorables, que les astrologues surent me faire valoir très-haut dans la suite, peuvent bien avoir été la cause de ma conservation : car, par la maladresse de la sagefemme, je vins au monde comme mort, et il fallut des efforts multipliés pour me faire voir la lumière. Cette circonstance, qui avait jeté mes parents dans une grande angoisse, tourna cependant à l’avantage de mes concitoyens, car mon grand-