Aller au contenu

Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/141

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

devant la porte de Friedberg, lui donnait encore plus d’occupation. Entre les rangées des ceps étaient plantées et cultivées avec grand soin des rangées d’asperges. Dans la bonne saison, il ne se passait guère de jour où mon père ne s’y rendît, et, le plus souvent, il nous était permis de l’accompagner, de jouir et nous amuser ainsi de tout, depuis les premières productions du printemps jusqu’aux dernières de l’automne. Nous apprîmes aussi les travaux du jardinage, qui, se répétant chaque année, finirent par nous devenir familiers. À la suite des diverses récoltes de l’été et de l’automne, la vendange était cependant la plus gaie et la plus souhaitée. Il n’est pas douteux que, tout comme le vin donne un caractère plus gai aux lieux où il est produit et consommé, ces jours de la vendange, qui closent la belle saison et qui ouvrent l’hiver, ne répandent aussi une incroyable allégresse. La gaieté, la jubilation, s’étendent sur toute la contrée. Le jour, on entend de toutes parts les cris de joie et les détonations, et, la nuit, tantôt ici, tantôt là, des fusées et des feux d’artifice annoncent que, partout veillant et joyeux, on voudrait prolonger la fête aussi longtemps que possible. Après cela, les soins du pressoir et, pendant la fermentation, ceux de la cave nous occupaient aussi gaiement à la maison, et l’on entrait en hiver sans trop s’en apercevoir.

Nous prîmes d’autant plus de plaisir à ces occupations champêtres, au printemps de 1763, que le 15 février de cette année avait été pour nous un jour de fête, par la conclusion de la paix d’Hubertsbourg, dont je devais ressentir les heureux effets pendant la plus grande partie de ma vie. Mais, avant d’aller plus loin, je crois de mon devoir de mentionner ici quelques hommes qui ont exercé une grande influence sur ma jeunesse. M. de Olenschlager, de la maison de Frauenstein, échevin, beau-fils du docteur Orth, dont j’ai parlé, était un homme agréable et beau, d’un tempérament sanguin. Dans son grand costume de bourgmestre, on l’aurait pris pour le plus majestueux prélat français. Au sortir de l’université, il s’était voué aux affaires de cour et d’État, et avait aussi voyagé dans ce but. Il avait pour moi une affection particulière, et me parlait souvent des choses qui l’intéressaient le plus. J’étais souvent auprès de lui, quand il écrivit son Explication de la bulle d’or, et il savait très-