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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/19

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son neuve, ne pouvait construire en saillie sur les fondements que le premier étage, et devrait élever les autres d’aplomb. Mon père, pour ne pas abandonner l’espace saillant du deuxième étage, peu soucieux de l’apparence architecturale, et ne cherchant qu’une bonne et commode distribution intérieure, eut recours, comme bien d’autres avant lui, à l’expédient d’étançonner les parties supérieures de la maison, et de les enlever l’une après l’autre de bas en haut, puis d’intercaler les constructions nouvelles, en sorte que, sans qu’il restât, pour ainsi dire, aucun vestige des anciennes, la construction, toute nouvelle, pouvait passer encore pour une réparation. Or, la démolition et la bâtisse devant s’exécuter graduellement, mon père avait résolu de ne pas quitter la maison, afin d’exercer d’autant mieux la surveillance et de pouvoir donner les directions ; car il entendait fort bien l’art de bâtir. Cependant il ne voulut pas non plus éloigner sa famille. Cette nouvelle époque parut aux enfants étrange et surprenante. Ces chambres, dans lesquelles on les avait tenus souvent assez à l’étroit et fatigués de leçons et d’études peu récréatives ; ces corridors, dans lesquels ils avaient joué ; ces cloisons, pour la propreté et l’entretien desquelles on avait pris auparavant tant de soins : les voir tomber sous le pic du maçon, sous la hache du charpentier, et tomber de bas en haut ; et cependant flotter au-dessus, comme dans l’air, sur des poutres étayées ; se trouver en outre assujetti constamment à une certaine leçon, à un travail déterminé : tout cela produisit dans les jeunes têtes un trouble qui ne s’apaisa pas aisément. Cependant l’incommodité fut moins sentie par les enfants, parce qu’on laissait à leurs jeux un peu plus d’espace et, souvent, l’occasion de se balancer sur les poutres et de courir sur les planches.

Notre père poursuivit d’abord son dessein obstinément ; mais enfin, quand une partie du toit fut enlevée, et qu’en dépit de toutes les toiles cirées tendues sur nos têtes, la pluie arriva jusque dans nos lits, il prit, mais à contre-cœur, la résolution de remettre pour quelque temps ses enfants à de bienveillants amis, qui avaient déjà offert leurs services, et nous envoya dans une école publique. Ce passage avait ses désagréments : des enfants gardés jusqu’alors à la maison, accoutumés à la pro-