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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/191

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chose ne souffre aucun délai. Aussitôt après moi, il en viendra un autre, qui ne vous laissera pas autant de latitude. N’empirez pas par votre obstination une affaire déjà assez mauvaise. « Alors je me représentai vivement ces bons cousins et surtout Marguerite ; je les voyais arrêtés, interrogés, punis, déshonorés, et l’idée me vint, comme un éclair, que les cousins, bien qu’ils se fussent conduits envers moi avec une parfaite honnêteté, avaient pu s’engager dans de mauvaises affaires, l’aîné du moins, qui ne m’avait jamais beaucoup plu, qui rentrait toujours tard au logis, et qui avait peu de choses agréables à raconter. Je retenais toujours mon aveu. « Ma conscience ne me reproche aucune mauvaise action, lui dis-je, et, de ce côté, je puis être tout à fait tranquille, mais il ne serait pas impossible que ceux avec qui j’ai eu des relations se fussent rendus coupables d’une action téméraire ou illégale. Qu’on les recherche, qu’on les découvre ; qu’ils soient convaincus et punis ; je n’ai rien à me reprocher jusqu’à présent, et je ne veux pas me rendre coupable envers ceux qui se sont conduits amicalement et honnêtement avec moi. » Il ne me laissa pas achever, mais il s’écria avec quelque émotion : « Oui, on les trouvera ! Ils se réunissaient dans trois maisons, ces scélérats. » Il nomma les rues, il indiqua les maisons, et, par malheur, celle que je fréquentais était du nombre. « On a déjà nettoyé le premier nid, poursuivit-il ; et dans ce moment on nettoie les deux autres. Dans quelques heures tout sera éclairci. Dérobez-vous par un aveu sincère à une enquête juridique, à une confrontation et à toutes ces vilaines procédures. »

La maison était désignée et connue ; je crus dès lors tout silence inutile, et même, vu l’innocence de nos rendez-vous, je pouvais espérer d’être encore plus utile à mes amis qu’à moi-même. « Asseyez-vous, m’écriai-je en le ramenant de la porte, je veux tout vous conter et soulager à la fois mon cœur et le vôtre. Je ne vous fais qu’une prière, c’est de ne plus mettre en doute ma sincérité. » Là-dessus, je racontai à mon ami toute l’affaire, d’abord avec calme et fermeté ; mais, à mesure que je me rappelai et me retraçai les personnes, les choses, les circonstances, et qu’il me fallut exposer, comme devant un tribunal criminel, tant de joies innocentes, de jouissances pures,