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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/320

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la médecine. Toutes les impressions lui laissaient une trace vive, et lorsqu’il s’égayait à répéter les leçons et à contrefaire les professeurs, après avoir entendu trois différentes leçons dans la matinée, il pouvait pendant le dîner faire alterner les professeurs de paragraphe en paragraphe, ou même plus brusquement encore, et cette leçon bariolée nous amusait souvent, mais souvent aussi nous fatiguait.

Les autres convives étaient gens plus ou moins délicats, posés et sérieux. Dans le nombre, se trouvait un chevalier de Saint-Louis en retraite. Mais les étudiants abondaient, tous bons enfants et bien disposés, à condition toutefois de ne pas dépasser leur ration de vin. Prévenir ce désordre était l’affaire de notre président, le docteur Salzmann. Célibataire, âgé de plus de soixante ans, il était depuis longtemps commensal du logis et y maintenait l’ordre et le bon ton. Il jouissait d’une belle fortune. Sa mise était propre et soignée ; il était même de ceux qui vont toujours en culottes et le chapeau sous le bras. C’était une chose extraordinaire de le voir se couvrir. Il portait d’habitude un parapluie, se souvenant que les plus beaux jours d’été amènent souvent de l’orage et des ondées.

J’entretins le docteur de mon projet de poursuivre à Strasbourg mes études de droit, afin de pouvoir prendre mes degrés le plus tôt possible. Comme il était au fait de tout, je le consultai sur les cours que je devrais suivre, et sur ce qu’il pensait de mon projet. Il me répondit qu’il n’en était pas de Strasbourg comme des universités allemandes, où l’on cherchait à former des jurisconsultes dans l’acception large et savante du mot. À Strasbourg, par suite des rapports avec la France, tout était dirigé vers la pratique, et conduit selon l’esprit français, qui s’en tient volontiers aux lois positives. On tâche d’inculquer à chaque élève certains principes généraux, certaines connaissances préliminaires ; on abrège aulant que possible, et l’on n’enseigne que le plus nécessaire. M. Salzmann me fit connaître ensuite un homme qui jouissait, comme répétiteur, d’une grande confiance, et qui sut en effet gagner bien vite la mienne. Je commençai, par forme d’introduction, à m’entretenir avec lui sur des matières de jurisprudence, et il ne fut pas peu surpris de ma jactance, car, pendant mon séjour à Leipzig, j’avais acquis