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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/331

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confiance de chacun. Il était redevable de sa culture la plus particulière et la plus intime à cette classe d’hommes, très-répandue, qui cherchaient leur salut par eux-mêmes, et qui, s’attachant a édifier par la lecture de la Bible et de bons livres, par des exhortations et des confessions mutuelles, parvenaient ainsi à un degré de développement fait pour exciter l’admiration. En effet, l’intérêt qui les accompagnait sans cesse, et qui les occupait en société, reposant sur la simple base de la moralité, de la bienveillance et de la bienfaisance ; les écarts même auxquels peuvent se livrer des hommes d’une position si étroite étant d’ailleurs de peu d’importance ; et, dès là, leur conscience restant pure le plus souvent, et leur esprit gardant sa sérénité, ils arrivaient à une culture, non pas artificielle, mais vraiment naturelle, qui avait encore sur les autres l’avantage d’être appropriée à tous les âges et à tous les états, et, par sa nature même, d’être généralement sociable. Aussi, dans leur sphère, ces personnes étaient-elles vraiment éloquentes et capables de s’exprimer convenablement et agréablement sur tous les intérêts du cœur les plus délicats et les plus graves. Tel était le cas du bon Stilling. Dans un cercle peu nombreux d’hommes qui, sans avoir tout à fait les mêmes sentiments que lui, ne se déclaraient pas opposés à sa manière de voir, on le trouvait non-seulement disert, mais éloquent ; il racontait surtout sa vie de la manière la plus agréable, et savait en rendre présentes à l’auditeur toutes les situations d’une façon vive et claire. Je l’encourageai à l’écrire et il le promit. Mais, comme il ressemblait, dans sa manière de s’exprimer, à un somnambule, qu’il ne faut pas appeler, de peur qu’il ne tombe du faîte où il est monté, ou bien à un courant paisible, auquel on ne doit rien opposer, si l’on ne veut pas qu’il bouillonne : Stilling devait se sentir souvent mal à son aise dans une société nombreuse. Sa foi ne souffrait aucun doute et sa conviction aucune raillerie. Et si, dans les épanchements de l’amitié, il était inépuisable, tout s’arrêtait d’abord chez lui, s’il rencontrait la contradiction. Dans ces occasions, je venais d’ordinaire a son secours, et il m’en récompensa par une affection sincère. Comme sa manière de sentir ne m’était point nouvelle, et que j’avais même appris à la connaître parfaitement dans mes amis et mes amies les plus aimables ; qu’en