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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/336

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cordeau. L’architecte parisien Blondel traça là-dessus un projet par lequel cent quarante propriétaires gagnaient de la place, quatre-vingts en perdaient et les autres restaient dans leur premier état. Ce plan, approuvé, mais qu’on ne voulut pas mettre à exécution tout à la fois, devait s’achever par degrés avec le temps, et cependant la ville offrait un mélange assez bizarre de régularité et d’irrégularité. S’agissait-il, par exemple, d’aligner dans une rue le côté concave, le premier propriétaire disposé à bâtir s’avançait jusqu’à la ligne fixée ; ainsi faisait peut-être le propriétaire voisin, mais peut-être aussi le troisième seulement ou le quatrième, et ces saillies laissaient les plus disgracieux enfoncements, comme avant-cours des maisons restées en arrière. On ne voulait pas employer la force, mais, sans contrainte, on n’aurait fait aucun progrès ; c’est pourquoi nul ne pouvait faire, du côté de la rue, aucune amélioration ou réparation à sa maison une fois condamnée. Tout ce que le hasard nous offrait de choquant et de bizarre dans nos promenades oisives était une excellente occasion d’exercer notre humeur railleuse ; de faire, à la manière de Behrisch, des projets pour accélérer l’ouvrage, et d’en révoquer toujours en doute la possibilité : et pourtant un bon nombre de belles maisons neuves aurait dû nous inspirer d’autres pensées. À quel point le temps est-il venu en aide à ce projet, c’est ce que j’ignore.

Un autre sujet, dont les protestants de Strasbourg s’entretenaient volontiers, était l’expulsion des jésuites. Aussitôt que la ville fut devenue française, les pères y avaient paru et avaient sollicité un domicile. Mais bientôt ils s’étendirent et fondèrent un superbe collège, si voisin de la cathédrale que le derrière de l’église masque un tiers de la façade. Le bâtiment devait former un carré, avec un jardin intérieur. Trois côtés étaient achevés. Il est de pierre et solide, comme tous les ouvrages de ces pères. Opprimer les protestants, sinon les supprimer, était le plan de la société, qui se faisait un devoir de rétablir l’ancienne religion dans toute son étendue. Leur chute causa, par conséquent, la plus grande joie dans le parti contraire, et l’on ne vit pas sans plaisir les jésuites vendre leurs vins, emporter leurs livres, et l’édifice destiné à un ordre différent,