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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/394

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que nous aurions jugée moralement impossible. « Qu’est-ce que cela signifie ? s’écria la sœur, avec la précipitation de l’effroi. Qu’est-ce que cela ? Toi, avec Georges ! la main dans la main ! Explique-moi cela. — Chère sœur, répondit-elle, d’un air tout à fait circonspect, ce pauvre garçon me demande grâce ; il a aussi des excuses à te faire, mais il faut lui pardonner d’avance. — Je ne comprends pas, je ne conçois pas, » dit la sœur en secouant la tête ; et Weyland regardait, et restait là immobile, avec son calme ordinaire, observant la scène sans rien laisser paraître. Frédérique se leva et m’entraîna après elle. « N’hésitez pas ! dit-elle. Que l’on demande pardon et que l’on pardonne ! — Eh bien, oui ! m’écriai-je en m’approchant de l’aînée. J’ai besoin de pardon ! » Elle recula, poussa un cri et rougit vivement. Puis elle se jeta sur le gazon, et poussa des éclats de rire qui ne pouvaient finir. Weyland sourit avec satisfaction et s’écria : « Tu es un excellent garçon ! » Ensuite il me prit la main et la secoua. D’ordinaire, il n’était pas libéral de caresses, mais son serrement de main avait quelque chose de vif et de cordial. Il en était d’ailleurs aussi économe.

Après nous être un peu remis et calmés, nous retournâmes au village. J’appris en chemin ce qui avait occasionné cette singulière rencontre. Frédérique avait fini par quitter les promeneurs pour se reposer un moment dans sa retraite avant le dîner, et, quand la sœur et Weyland furent de retour à la maison, la mère les avait envoyés appeler bien vite Frédérique, parce que le dîner était prêt. La sœur se montrait de la gaieté la plus vive, et, quand elle apprit que sa mûre avait déjà découvert le secret, elle s’écria : « Maintenant il reste encore à attraper notre père, notre frère, le valet et la servante. » Quand nous fûmes à la haie du jardin, elle envoya en avant à la maison Weyland et Frédérique. La servante était occupée au jardin. Olivia (c’est ainsi que nous l’appellerons encore) lui cria d’attendre ; qu’elle avait quelque chose à lui dire. Elle me laissa vers la haie et s’approcha de la jeune fille. Je vis qu’elle lui parlait d’un air très-sérieux. Olivia lui faisait croire que Georges s’était brouillé avec Barbe, et qu’il paraissait avoir envie de l’épouser. Cela ne déplut point à la fillette. Alors je fus appelé pour confirmer la chose. La jolie et robuste enfant baissa les