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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/406

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fut assez lente, car je n’y étais pas plus habile que le maître d’école. Enfin nous arrivâmes à une esquisse passable. Le bon père me dit son projet, et ne fut pas fâché de me voir prendre congé pour aller exécuter le plan à la ville plus commodément. Frédérique me congédia le cœur joyeux. Elle était sûre de mon amour comme je l’étais du sien, et six lieues ne nous semblaient pas une distance. On pouvait bien aisément venir à Drousenheim par la diligence, et, par cette voiture, comme par des messagers, ordinaires et extraordinaires, entretenir la correspondance. Georges devait nous servir de facteur.

Arrivé à la ville, comme il n’était plus question pour moi de longs sommeils, je m’occupai dans mes heures matinales du plan, que je dessinai avec tout le soin possible. Cependant j’avais envoyé des livres à Frédérique, et j’y avais joint un petit billet amical. Je reçus sa réponse sur-le-champ, et je fus charmé de son écriture, légère, jolie et familière. Les idées et le style étaient également naturels, bons, aimables, sincères. Ainsi fut entretenue et renouvelée l’agréable impression qu’elle avait faite sur moi. Je n’avais que trop de plaisir à me représenter les avantages de cet être charmant, et je nourrissais l’espérance de la revoir bientôt pour un plus long temps. Je n’avais plus besoin des exhortations du bon professeur. Ses paroles m’avaient guéri à propos si radicalement, que je n’avais plus guère envie de le revoir, lui et ses malades. Ma correspondance avec Frédérique devint plus vive. Elle m’invita à une fête où devaient se trouver aussi des amis d’outre-Rhin. Je devais m’équiper pour un temps plus long. Je chargeai donc la diligence d’une grosse valise, et, en quelques heures, je me vis près de Frédérique. Je trouvai une nombreuse et joyeuse société. Je pris à part le père ; je lui montrai le plan, dont il témoigna une grande joie. Je lui lis part des idées qui m’étaient venues pendant mon travail. Il était transporté de plaisir ; il loua particulièrement la propreté du dessin. Je m’y étais exercé dès mon enfance, et, cette fois, j’avais pris le plus beau papier et je m’étais appliqué d’une façon toute particulière. Mais le plaisir de notre bon hôte fut bientôt troublé, lorsque, dans la joie de son cœur, il montra, contre mon avis, le plan à la société. Bien loin de témoigner l’intérêt