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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/420

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mis fin d’un seul coup à toutes les collisions. Je choisis donc pour ma thèse la première partie de ce thème, savoir que le législateur n’est pas seulement autorisé mais obligé à établir un certain culte, dont les ecclésiastiques, non plus que les laïques ne peuvent se séparer. Je traitai cette question d’une manière soit historique soit raisonnée, et je faisais voir que toutes les religions publiques avaient été établies par des conquérants, des rois et des hommes puissants, et que cela était vrai même de la religion chrétienne. L’exemple du protestantisme était même tout près. Je traitai mon sujet d’autant plus hardiment qu’à proprement parler, je n’écrivais ma thèse que pour contenter mon père, et mon espoir, mon désir le plus vif, était que la censure ne la laisserait point passer. Je tenais toujours de Behrisch une horreur insurmontable de me voir imprimé, et ma liaison avec Herder m’avait trop clairement révélé mon insuffisance ; j’en avais même contracté une certaine défiance de moi-même, qui était alors à son comble.

Comme je tirai ce travail presque entièrement de mon cerveau et que j’écrivais et parlais le latin couramment, je passai très-agréablement le temps que je consacrai à cette dissertation. La chose avait du moins quelque fondement ; le style, au point de vue oratoire, n’était pas mal ; l’ensemble avait une certaine rondeur. Aussitôt que je fus au bout, je relus mon travail avec un bon latiniste, qui, sans pouvoir améliorer l’ensemble du style, fit disparaître d’une main légère toutes les fautes choquantes, en sorte qu’il en résulta quelque chose qui pouvait se produire. J’en fis parvenir aussitôt une belle copie à mon père, qui n’approuva pas, il est vrai, qu’aucun des sujets entrepris auparavant n’eût été achevé, mais qui, en bon protestant, applaudit à l’audace de mon entreprise. Mes étrangetés furent souffertes, mes efforts loués, et il se promit de la publication de ce petit ouvrage un excellent effet.

Je présentai mon travail à la faculté, qui, par bonheur, montra autant de sagesse que d’obligeance. Le doyen, homme habile et vif, commença par donner à mon travail de grands éloges ; il passa ensuite aux points délicats, qu’il sut insensiblement présenter comme dangereux, et il finit par conclure qu’il serait peut-être imprudent de publier ce travail comme dissertation