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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/513

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pelle aussi nettement la figure d’une chime Servière, qui était belle, quoiqu’elle ne fût plus jeune. J’entrai également en relation avec la famille Alessina Schweizer et quelques autres, et je formai avec les fils des liaisons d’amitié, qui ont duré longtemps. Je me trouvai tout d’un coup familier dans un cercle étranger, avec l’engagement et même l’obligation de prendre part à ses occupations, à ses plaisirs, même à ses exercices religieux. Ma liaison, toute fraternelle, avec la jeune femme continua après le mariage ; mon âge s’accordait au sien ; j’étais le seul dans tout le cercle qui lui fît encore entendre un écho de ces accents poétiques, habitude de son jeune âge. Nous continuâmes à vivre ensemble dans une enfantine familiarité, et, quoique la passion fût étrangère à notre commerce, il était néanmoins assez douloureux, parce qu’elle ne savait pas non plus s’accommoder à son entourage, et qu’en dépit d’une brillante fortune, transportée de la gracieuse vallée d’Ehrenbreitstein et d’une riante jeunesse dans une triste et sombre maison de commerce, il lui fallait encore remplir les devoirs de mère à l’égard de quelques enfants d’un premier lit. Tels étaient les nouveaux rapports de famille dans lesquels je me trouvais engagé, sans sympathie, sans participation réelle. Lorsqu’on était content les uns des autres, on semblait s’entendre de soi-même ; mais la plupart des intéressés s’adressaient à moi dès qu’il survenait des contrariétés, et pourtant la vivacité de mon entremise les aggravait plutôt qu’elle ne les apaisait. Cette situation ne tarda pas à me devenir insupportable ; tous les ennuis qui résultent à l’ordinaire de ces demi-liaisons pesèrent sur moi au double et au triple, et il me fallut de nouveau une violente résolution pour m’en affranchir.

La mort de Jérusalem, causée par sa passion malheureuse pour la femme d’un ami, m’arracha à mon rêve ; et, comme j’ouvrais les yeux sur ce qui lui était arrivé ainsi qu’à moi, que même ce que j’éprouvais alors de semblable me plongeait dans une agitation violente, je dus nécessairement répandre dans l’ouvrage que j’entreprenais alors toute la flamme qui ne permet aucune distinction entre la poésie et la réalité. Je m’étais retiré dans une complète solitude, refusant même les visites de mes amis, et j’écartai aussi de ma pensée tout ce qui n’appar-