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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/541

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Vers le milieu de juillet, Lavater se disposait à partir ; Basedow trouvait son avantage à l’accompagner, et je m’étais si bien accoutumé à cette précieuse société, que je ne pus me résoudre à la quitter. Nous descendîmes la Lakn, et ce fut pour moi une course bien agréable, où le cœur et les sens étaient également réjouis. À la vue d’un remarquable château en ruine, j’écrivis sur l’album de Lips la chanson : « Au sommet de la vieille tour…,[1] » et, comme elle fut bien reçue, j’ajoutai, suivant ma mauvaise habitude de gâter l’impression, toute espèce de rimes et de bouffonneries sur les feuilles suivantes. Je fus heureux de revoir le beau fleuve, et je jouis de la surprise de ceux à qui ce spectacle se présentait pour la première fois. Nous abordâmes à Coblentz. Partout où nous allions la presse était grande, et chacun de nous trois excitait, à sa manière, l’intérêt et la curiosité. Basedow et moi, nous paraissions rivaliser d’impertinence ; Lavater se comportait avec sagesse et prudence ; seulement il ne pouvait cacher ses sentiments intimes : avec les intentions les plus pures, aussi, paraissait-il aux gens ordinaires un homme bien étrange.

Le souvenir d’un singulier repas que nous fîmes à une table d’hôte de Coblentz s’est conservé dans des rimes que j’ai admises, avec leur séquelle, dans ma nouvelle édition. J’étais placé entré Lavater et Basedow. Le premier expliquait à un pasteur de campagne les mystères de l’Apocalypse ; l’autre faisait de vains efforts pour démontrer à un maître de danse opiniâtre que le baptême était un usage suranné et qui ne cadrait plus avec notre époque, et, quand nous fûmes en chemin pour Cologne, j’écrivis sur je ne sais quel album : « Et comme sur le chemin d’Emmaüs, nous continuâmes notre marche avec l’esprit et le feu, un prophète à droite, un prophète à gauche, le mondain entre deux.[2] »

Heureusement ce mondain avait aussi un côté tourné vers le ciel, et qui devait être touché d’une façon toute particulière. Je m’étais déjà félicité à Ems, en apprenant que nous trouverions à Cologne les deux Jacobi, qui, avec d’autres hommes distingués

  1. Tome I page 36.
  2. Voyez cette pièce, tome I, page 282. Il y a une variante.