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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VIII.djvu/626

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nous transporter familièrement et sans souci dans une nouvelle société. Nous y trouvâmes Klopstock, qui exerçait avec beaucoup de dignité sa vieille autorité morale sur ses disciples, pénétrés pour lui d’un profond respect. Je me plus à lui montrer la même déférence, et, invité à la cour avec les autres, je m’y comportai, je crois, assez bien pour un débutant. Au reste, on était en quelque sorte convié à se montrer naturel et pourtant sérieux. Le margrave régnant, vénéré parmi les princes allemands à cause de son âge, mais avant tout pour ses vues excellentes en matière de gouvernement, aimait à discourir sur l’économie politique ; Mme la margrave, active et versée dans les arts et dans plusieurs bonnes connaissances, se plaisait aussi à témoigner par des discours agréables une certaine sympathie. Nous nous en montrâmes reconnaissants ; mais, retirés chez nous, nous ne manquâmes pas de fronder sa mauvaise fabrique de papier et la faveur qu’elle accordait à Macklot. Cependant la circonstance la plus marquante pour moi, c’est que le jeune duc de Saxe-Weimar et sa noble fiancée, la princesse Louise de Hesse-Darmstadt, se rencontrèrent à Carlsruhe pour conclure leur mariage. Déjà le président de Moser y était arrivé à cet effet, pour régler une affaire si importante, et la terminer avec le comte de Gœrtz, grand maître de la cour. Mes entretiens avec ces deux augustes personnes furent pleins de charme, et la conclusion, dans l’audience de congé, fut l’assurance répétée qu’il leur serait agréable à tous deux de me voir bientôt à Weimar.

Quelques conversations particulières avec Klopstock, dans lesquelles il me témoigna de la bienveillance, éveillèrent ma confiance et ma franchise : je lui communiquai les dernières des scènes de Faust que j’avais écrites. Il parut les accueillir favorablement, et j’ai su plus tard qu’il voulut bien en parler à d’autres personnes avec une approbation marquée (ce qui ne lui était pas ordinaire), et qu’il exprima le vœu que l’ouvrage fût achevé.

À Carlsruhe, noble séjour et presque sacré, mes compagnons de voyage avaient un peu modéré leur conduite fougueuse, à laquelle on trouvait alors le cachet du génie. Je me séparai d’eux, parce que j’avais à faire un détour pour me rendre à