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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/100

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idiote discussion, à propos d’une partie de dominos. Par la baie d’une porte ouverte, un garçon étendant un tapis sur un billard, et derrière lui un autre entrant dans la pièce avec un matelas roulé sur sa tête.

— Gavarni nous racontait aujourd’hui que, tout jeunet, il avait été envoyé chez M. Dutillard, rue des Fossés-du-Temple, pour apprendre l’architecture, et qu’il en faisait, monté sur une chaufferette, tant il était encore petit. Il n’y restait que jusqu’à midi. Mais quand Dutillard sortait par hasard avant cette heure et que le gamin avait à dresser le plan d’un quatrième étage, le gamin ouvrait un compas et le faisait tourner, se promettant, si la pointe allait du côté du boulevard, qu’il se donnerait campo, — et recommençait, vous le comprenez bien, jusqu’à ce que la pointe allât du côté désiré.

Mme Dutillard, elle, était une grande liseuse de romans, et envoyait souvent le petit chercher des livres, dans un cabinet de lecture voisin.

Le cabinet de lecture, où il allait chercher le plus généralement des romans d’Anne Radcliffe, était situé dans la maison, d’où devait partir, à bien des années de là, la machine infernale de Fieschi, et la bossue qui le tenait, avait pour commis un certain garçon, que Gavarni retrouva plus tard jouant les Amours dans les gloires des Funambules, et plus tard encore, libraire et éditeur de plusieurs séries de ses dessins.