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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/117

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ces morts de mérite, auxquels le XIXe siècle n’a donné que l’hôpital ou la Morgue : son ami Gérard de Nerval qui s’est pendu, Tony Johannot qui, après avoir perdu dans le Paul et Virginie de Curmer, les 20,000 francs qu’il avait gagnés pendant toute sa vie, a été un peu enterré avec l’aide de ses amis, etc. « Oui, je sais bien, dit-il, si j’avais été raisonnable, j’aurais vécu dans une petite chambre, j’aurais dépensé quinze sous par jour, et maintenant, j’aurais quelque chose devant moi, c’est ma faute ! »

Il reconnaît et avoue tristement la dépendance dans laquelle l’art est placé auprès du gouvernement : « Il faut vivre, dit-il, les convictions courbent la tête pour manger… En effet, il n’y a plus de subventions fournies par les particuliers. C’est le ministère qui tient notre pain… Et tout ce qu’il y aurait à faire, cependant, en dehors des commandes du gouvernement… la décoration picturale des cafés, des gares de chemins de fer surtout, de ces endroits où tout le monde attend et où on regarderait… On me dira qu’il y a des peintures à la bibliothèque de la Chambre des pairs. Qu’est-ce que ça me fait ? Je ne peux pas y entrer ! »

Puis nous avons causé de l’idéal, ce ver rongeur du cerveau, « ce tableau que nous peignons avec notre sang, » a dit Hoffmann. La résignation du : « C’est ma faute ! » est encore venue aux lèvres de Célestin Nanteuil. « Pourquoi nous éprendre de l’irréel, de l’insaisissable ? Pourquoi ne pas porter notre désir vers quelque chose de tangible ? Pour-