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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/229

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au hasard, sur la route de Bellevue. Dans le sentier étroit, nous rencontrons, tenant une blonde petite fille à la main, une ci-devant demoiselle, maintenant une mère que l’aîné de nous deux a eu, pendant huit jours, la très sérieuse intention d’épouser, et qui nous rappelle du bien vieux passé… Il y a des années qu’on ne s’est vu. On s’apprend les mariages et les morts, et l’on vous gronde doucement d’avoir oublié d’anciens amis… Et nous voilà dans la maison du docteur Fleury, causant avec Banville, quand tombe dans notre conversation le vieux dieu du drame, le vieux Frédérick Lemaître… Dans tout cela, par tous ces chemins, en toutes ces rencontres, dans ce que le hasard fait repasser devant nous de notre vie morte, dans ces revenez-y de notre jeunesse qui semble nous promettre une vie nouvelle, nous roulons, écoutant et regardant tout comme un présage, tantôt bon, tantôt mauvais, pleins de pensées qui se heurtent autour d’une idée fixe, prêtant aux choses un sentiment de notre fébrilité et croyant, dans un air d’orgue qui passe, entendre l’ouverture de notre pièce.

En rentrant : rien.

Jeudi 29 octobre. — Plus la moindre espérance. L’épigastre inquiet, la tête vide, le toucher émotionné, et pas le courage d’aller au-devant de la nouvelle. Battu les quais, usé l’idée fixe avec la fatigue des jambes toute la journée.

Le soir, dans l’impossibilité du travail, nous re-