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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/263

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jeudi, ni vendredi, ni samedi, parce qu’il n’est rien qui les distingue, qui les date par un fait, dans ces jours incolores que mesurent deux seuls événements : le déjeuner et le dîner ; — lu Richelieu et la Fronde de Michelet. Style haché, coupé, tronçonné, où la trame et la liaison de la phrase ne sont plus, avec des idées jetées comme des couleurs sur la palette, et quelquefois une sorte d’empâtement au pouce… Mais plus haut, et au fond, une terrible menace que ce dernier livre du grand poète, et un peu l’ouverture de la grande Ruine qui sera demain. En ce livre déshabillé, plus de couronnes de lauriers, plus de manteaux fleurdelisés plus de chemises même. Les hommes y perdent leur piédestal comme les choses y perdent leur pudeur. La Gloire y a des ulcères et la matrice des Reines des avortements. Ce n’est plus le stylet de la Muse, c’est le scalpel et le speculum du médecin. L’historien y apparaît comme le docteur des urines du peintre hollandais. Le bassin d’Anne d’Autriche y est visité comme en d’autres oubliettes de Blaye, et l’anus du Roi-Soleil y est interrogé comme en un dispensaire de police… Fin des dieux, des religions, des superstitions, et l’arrière-faix de l’histoire exposé en public. Cependant où va cela, où va ce siècle qui n’avait plus de culte que dans son passé historique ? Où aboutira cette grande avenue de l’histoire qui n’est plus qu’une avenue de monarques, de reines, de ministres, de capitaines, de pasteurs de peuples, montrés dans leurs ordures et leurs misères humaines, — de Rois passant au conseil de revision ?