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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/310

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de graver le dessin de Watteau, représentant l’Assemblée des musiciens chez Crozat, Chennevières nous raconte que le Musée est, sens dessus dessous, à propos du dessin de la Revue du Roi, qu’on a proposé au Musée d’acheter, et que le Musée n’a pas de quoi acheter. Oh ! si c’était un dessin de l’École italienne ou flamande, on en trouverait, de l’argent, et même, s’il le fallait, un certain nombre de mille francs. Chennevières nous donne l’adresse du dessin, et nous courons rue des Bourdonnais no 13.

Nous voici dans une toute petite chambre, chauffée par un poêle de fonte, et où une grande table, sur laquelle est couché un enfant de quelques mois, tient toute la pièce. Une femme est là, qui travaille sous une lampe à la confection de chemises de peuple. Nous demandons à voir le dessin. De dessous la table elle tire un dessin empaqueté dans une serviette, et c’est le fameux dessin de l’exposition de 1781.

— Vous en voulez, Madame ?

— Mille francs !

Et comme nous lui en offrons 300 francs, le prix auquel nous savions que le mari était à peu près descendu, après l’avoir fait offrir à tous les riches amateurs de Paris, un sec : « Reconduisez ces Messieurs », dit par la femme à une petite fille, nous ôte tout espoir et nous fait descendre le misérable escalier, avec la sécheresse de bouche d’une grande émotion.

Le lendemain, nous offrons dans une lettre au ménage, 400 francs, tout l’argent que nous avions dans