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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/322

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qui nous rend suspects à la Justice, aux tribunaux qui sont classiques… Classiques, oh ! la bonne farce ! mais personne n’a lu les classiques ! Il n’y a pas huit hommes de lettres qui aient lu Voltaire, — lu, vous m’entendez. Et sont-ils cinq dans la Société des Auteurs dramatiques, qui pourraient dire les titres des pièces de Thomas Corneille ?… Mais l’image, les classiques en sont pleins, la tragédie n’est qu’image. Jamais Pétrus Borel n’aurait osé cette image insensée :

Brûlé de plus de feux que je n’en allumai !

« L’art pour l’art, en aucun temps, n’a eu sa consécration comme dans le discours à l’Académie d’un classique, de Buffon : “La manière dont une vérité est énoncée, est plus utile à l’humanité même que cette vérité.” J’espère que c’est de l’art pour l’art cela. Et La Bruyère qui dit : “L’art d’écrire est l’art de définir et de peindre.” » Là-dessus, Flaubert nous avoue ses trois bréviaires de style : La Bruyère, quelques pages de Montesquieu, quelques chapitres de Chateaubriand.

Et le voilà, les yeux hors de la tête, le teint allumé, les bras soulevés dans une envergure d’Antée, tirant de sa poitrine et de sa gorge des fragments du « Dialogue de Scylla et d’Eucrate », dont il nous jette le bruit au visage, un bruit qui ressemble au rauquement d’un lion.

Alors, revenant à son roman carthaginois, il nous conte ses recherches, ses lectures, les volumes de