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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/331

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de cet esprit, même dans les imaginations comiques, dignes d’un quart d’heure de blague.

Il a beaucoup écrit à sa sortie de collège et n’a jamais rien publié, sauf deux petits articles dans un journal de Rouen. Il regrette un volume d’environ 150 pages, composé l’année qui a suivi sa philosophie : la visite d’un jeune splenétique à une fille, un roman psychologique trop plein, dit-il, de sa personnalité. Dans Madame Bovary, il nous affirme qu’il n’y a qu’un seul type, esquissé de très loin d’après nature, un certain ancien payeur des armées de l’Empire, bravache, débauché, sacripant, menaçant sa mère de son sabre pour avoir de l’argent, toujours en bottes, en pantalon de peau, en bonnet de police, pilier du cirque Lalanne, dont les écuyers venaient prendre chez lui du vin chaud fait dans des cuvettes, et dont les écuyères venaient aussi accoucher sous son toit.

— C’est un grand événement de la Bourgeoisie que Molière, une solennelle déclaration de l’âme du Tiers-État. J’y vois l’inauguration du bon sens et de la raison pratique, la fin de toute chevalerie et de toute haute poésie en toutes choses. La femme, l’amour, toutes les folies nobles, galantes, y sont ramenées à la mesure étroite du ménage et de la dot. Tout ce qui est élan et de premier mouvement y est averti et corrigé.

Corneille est le dernier héraut de la noblesse ; Molière est le premier poète des bourgeois.

— Ne jamais parler de soi aux autres et leur par-