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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/357

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peuple est insensible à l’ironie, et à quel point le ridicule n’existe pas en Allemagne.

18 septembre. — Munich. Une brasserie dans un Parthénon de carton-pierre… Les fresques de Kaulbach sont bêtes comme une métaphore de la Révolution : c’est l’hydre du fédéralisme et les grenouilles du Marais, exécutés par un rapin chassé de l’atelier de M. Biard.

— À la Glyptothèque. Le faune Barberini. La plus admirable traduction, par le marbre et l’art statuaire, d’une humanité contemporaine des Dieux. Cette gracieuse tête renversée par le sommeil sur l’oreiller du bras, l’ombre calme de ces yeux clos, le sourire de cette bouche d’où semble s’exhaler un souffle, la mollesse et la tendresse de ces joues détendues par le repos : c’est le tranquille et beau sommeil de l’humanité au sortir des mains du Créateur. Tel, je me figure, le sommeil d’Adam, dans la nuit, où une compagne lui fut donnée.

25 septembre. — Je dîne (le dîner est ici à deux heures), je dîne à l’hôtel de Francfort en face d’une Viennoise, accompagnée de son frère en uniforme, d’une jeune fille décolletée à la peau éblouissante. Quelle gaîté des yeux, quelle fête du regard s’en est allée avec la suppression de ce décolletage en plein jour du XVIIIe siècle, — gardé ici.