Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/385

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’odeur de la peinture à colle des décors, qui fait une atmosphère entêtante de toutes ces senteurs d’un monde factice, une atmosphère, qui, selon son expression, fait hennir, à pleins naseaux, l’actrice entrant en scène.

Et de l’odeur du théâtre, elle passe aux parfums affectionnés par les acteurs et les actrices, racontant que Frédérick Lemaître joue toujours avec des gousses de vanille, cousues dans les collets de ses habits.

— Le peuple n’aime ni le vrai ni le simple : il aime le roman et le charlatan.

Dimanche 7 avril. — Le soir nous allons dîner avec Saint-Victor, au passage de l’Opéra. Après dîner sur le boulevard, faisant cent un tours, nous avons avec lui une de ces communions de causerie, qui sont les plus douces heures des hommes de pensée. Je ne sais comment la conversation est venue sur le progrès. C’était, je crois, à propos de Gaiffe et du système cellulaire. Le progrès, le voilà ; il a remplacé la torture morale, le brisement du corps par le brisement du cerveau… Le progrès, il a fait des misérables de tous ceux qui avaient une petite fortune !… Le progrès, qu’est-ce que lui doit au fond Paris ? Des boulevards, de grandes artères… oui il n’a plus laissé de coins, dans des rues ignorées, où l’on pouvait jadis vivre caché et heureux… Et en toutes choses, les falsifications, les sophistications, le mensonge. Savez-vous maintenant que les fines gueules du Jo-