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Page:Goncourt - Journal, t1, 1891.djvu/53

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paraissant avoir un sens obscène à M. Latour-Dumoulin.

Mais dans cette poursuite, il s’agissait vraiment bien de littérature. Le Paris passait pour la continuation du Corsaire. M. Latour-Dumoulin, en ce temps d’aplatissement, était personnellement blessé par les allures de Villedeuil, qui, lorsque sur la présentation de sa carte n’était pas immédiatement reçu, remontait dans sa voiture. On l’accusait, à tort ou à raison, de jouer à la baisse. On allait même jusqu’à lui faire un grief de ne pas solliciter pour son journal des invitations aux Tuileries, aux soirées de Nieuwerkerke. Nous personnellement, à ce qu’il paraît, nous passions, à cause de nos relations avec les Passy, pour des orléanistes fougueux. Il circulait même, dans le faubourg Saint-Germain, un refus très insolent de nous — une pure légende — à une demande de cantate de la part du gouvernement.

M. Armand Lefebvre, notre parent, écrivait en notre faveur à M. de Royer, procureur général, qui lui répondait une lettre ne laissant aucun doute sur l’imminence des poursuites. Et dans une entrevue au ministère de la justice, M. de Royer lui annonçait que nous serions condamnés, que nous aurions même de la prison, ajoutant que si nous voulions adresser un recours en grâce à l’Empereur, il serait le premier à l’appuyer.

Nous attendions, ainsi que des gens menacés de la justice d’une chambre correctionnelle sous un Empire — nerveux et insomnieux pendant de longues