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Page:Goncourt - Journal, t2, 1891.djvu/280

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8 mai. — Nous sommes devant une table recouverte d’un tapis vert, où il y a un pupitre et de quoi boire, et nous avons en face de nous un tableau représentant la mort de Talma.

Ils sont là dix, sérieux, impassibles, muets.

Thierry se met à lire. Il lit le premier acte, « le bal de l’Opéra », dans le rire et au milieu de regards de sympathie adressés à notre fraternité. Puis il entame tout de suite le second acte et passe au troisième… En nos cervelles, pendant cette lecture, peu d’idées ; au fond de nous une anxiété que nous essayons de refouler et de distraire, en nous appliquant à écouter notre pièce, les mots, le son de la voix de Thierry, le lecteur.

Le sérieux a gagné les auditeurs, le sérieux fermé, cadenassé, qu’on cherche à interroger, à surprendre. C’est fini.

Thierry nous a fait lever et nous mène dans son cabinet.

Nous nous sommes assis dans ce cabinet, garni de rideaux de mousseline tamponnés, y faisant le jour blanc et discret d’un cabinet de bain, et nos regards ont été aux tapisseries mythologiques du plafond, comme dans une invocation à notre XVIIIe siècle… puis ainsi que dans les grandes émotions de la vie, nous sommes tombés dans une de ces profondes et bêtes attentions machinales, allant du bout du nez d’un buste en terre cuite à sa gaine.

Les minutes sont éternelles. Nous entendons à travers une des deux portes, qui seule est fermée,