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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/114

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s’arc-boutent aux murs, de pleines assises qui montent soutenir et étayer l’arcature légère, des machines à vapeur toutes sifflantes. Une presse, une hâte, un travail enfiévré, tel que je n’en ai pas vu encore, et dans lequel semble haleter le patriotisme : — le tableau de l’activité nationale en action, au bruit du canon tonnant sur toute la ligne.

Et à travers les jours et les manques du travail non fini, dans la trajectoire des obus français, un admirable coucher de soleil. On dirait un léger lavis de nuages violets sur une feuille de papier d’or rouge, au milieu de laquelle s’ouvrirait, en éventail, un grand rayon d’or vert, mettant un ton d’aurore pâle sur Saint-Cloud, et parmi les coteaux, déjà endormis et éteints dans le neutralteinte du crépuscule.

Vendredi 28 octobre. — L’étonnant, le merveilleux, l’invraisemblable : c’est l’absence de toute communication avec le dehors. Pas un habitant qui, depuis quarante jours, vous dise avoir reçu quelques nouvelles des siens. Entre-t-il par le plus grand des hasards un journal de Rouen, on le donne, en fac-similé, ainsi que la plus inestimable des raretés. Jamais deux millions d’hommes n’ont été enfermés dans un si parfait Mazas. Pas une invention, pas une trouvaille, pas une audace heureuse. Il n’y a plus d’imagination en France.

Peu à peu, on commence à toucher le vilain de la