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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/116

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et se déverse la foule montant l’escalier, la foule qui fait des étages de dos, en blouse blanche, en blouse bleue ; cela au milieu des roulements de tambour et des sonneries de clairon. Un spectacle, où il y a un rappel de la foire, et cependant qui remue, par les électricités qui se dégagent des grandes choses généreuses, et des multitudes qui se dévouent.

Un monde immense couvre la place, surplombée par des groupes pyramidaux de femmes et d’enfants, grimpés entre les colonnes de la mairie du cinquième arrondissement, de l’École de Droit.

Les faces sont hâves, elles ont le jaune qu’y met la nourriture du siège, et qu’y apporte encore l’émotion du spectacle, traversé du chantonnement grave de la Marseillaise.

Enfin a lieu le défilé interminable des gardes nationaux enrôlés, passant devant le bureau, placé au milieu de la tribune.

Et avec l’heure tardive, avec le ciel pluvieux, dans lequel s’éparpillent, comme des feuilles sèches, des nuées de sansonnets, avec le crépuscule qui fait plus blafardes les figures, ces milliers de pâles soldats traversant les grandes ombres de la tribune, où leurs visages apparaissent comme voilés de crêpe, font un peu l’effet de la revue fantastique d’une armée de fantômes, sortie d’une lithographie de minuit de Raffet.

Certes, il y a là un motif pour la peinture, mais, de bonne foi, c’est trop une répétition de 92, de 93. On est humilié de trouver une copie si plate du