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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/140

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Il finit, en déclarant tout haut, que M. de Bismark est le premier des hommes d’État de tous les temps, se demandant toutefois, s’il eût fait de si grandes choses, ayant rencontré les difficultés et les circonstances contraires, que trouva Pitt.

Et il se fait rapporter de l’ale et du porter, disant que c’est à la bière qu’il doit son sommeil de toutes les nuits.

Jeudi 10 novembre. — C’est général, comme dans ces temps-ci, tout le monde que je vois, a un besoin instant de tranquillité d’âme, de repos d’esprit, de fuite de Paris. Tous disent : « Aussitôt que ça va être fini, je pars » et l’on désigne un coin de France, un morceau de campagne vague, où loin de Paris et de tout ce qui le rappelle, l’on pourra, de longues heures, ne plus penser, ne plus réfléchir, ne plus se souvenir.

Il se pourrait bien que ce grand 89, que personne, même parmi ses adversaires, n’aborde dans un livre, qu’avec toutes sortes de salamalecs, ait été moins providentiel pour les destinées de la France qu’on ne l’a supposé jusqu’ici. Peut-être va-t-on s’apercevoir que, depuis cette date, notre existence n’a été qu’une suite de hauts et de bas, une suite de raccommodages de l’ordre social, forcé de demander à chaque génération un nouveau sauveur. Au fond, la Révolution française a tué la discipline de la nation, a tué l’abnégation de l’individu, entretenues