Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nationaux mobilisés, faisant leurs préparatifs de départ. Ils sont en capote grise, ayant, au dos, le sac surmonté des piquets de la tente. Des femmes, des enfants les entourent, leur tenant compagnie jusqu’à la dernière heure. Une petite fille, qui a un minuscule sac au dos, avec un biscuit de mer, en guise de pain de munition, joue entre les jambes de son père. Des jeunes filles, à la fois embarrassées et un peu effrayées, tiennent le fusil d’un frère ou d’un amant, entré chez le marchand de tabac. Et dans les rangs, voletant sur l’épaule, passent rapides les revers rouges du manteau de la cantinière, qui verse à boire, çà et là.

Des sacs arrivent, ce sont des paquets de cartouches, qu’on verse sur le pavé, bientôt tout couvert des débris de leurs enveloppes grises. Et les uns, agenouillés sur le pavé, les autres assis sur le rebord du piédestal de la statue du maréchal, font entrer dans leur sac débouclé, les cent cartouches qu’ils viennent de recevoir, pendant que des corbillards défilent entre des gardes nationaux, le fusil abaissé à terre.

J’ai en face de moi, au restaurant, cette bonne bête du monde des lettres qu’on appelle X***, expliquant un plan de campagne de sa composition au premier venu, qui a le malheur de se trouver à côté de lui.

Depuis le siège, la marche du Parisien me semble toute changée. Elle était bien, cette marche, toujours un peu hâtive, mais on la sentait badaudante, mu-