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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/187

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la Défense nationale n’a rencontré que des hommes bien mous dans les bataillons de la Villette.

La crapulerie de la garde nationale dépasse tout ce que l’imagination d’un homme bien élevé peut inventer. Je suis en chemin de fer entre trois gardes nationaux, dont chaque geste aviné est presque un coup pour leurs voisins, dont chaque phrase ne peut sortir de leurs bouches qu’accompagnée du mot : « merde. » L’un représente l’ivresse imbécile ; l’autre, l’ivresse gouailleuse et scélérate ; le dernier, l’ivresse brutale. L’ivresse scélérate dit à l’ivresse brutale, pendant le parcours, que le chef de gare vient de donner l’ordre de l’arrêter, quand il descendra, pour le boucan qu’il a fait en montant. Je vois l’homme tirer son couteau, l’ouvrir, et le remettre tout ouvert dans sa poche. Je descends à la première station, peu désireux d’assister à la sortie de wagon de mes voisins.

Aujourd’hui, il y a foule, en haut de Belleville, pour chercher à voir quelque chose de la canonnade, qui ne décesse pas. Les tertres, les monticules des montagnes d’Amérique, blancs de neige, portent de petites foules, se détachant toutes noires sur le ciel.

Je prends un sentier côtoyant des briqueteries en planches, que démolissent les propriétaires, craignant que la besogne ne soit faite par les maraudeurs. Je chemine, non sans m’aider des mains, sur la terre glacée, par cette route de chèvre, entre des excavations de petits précipices, aux flancs verts de glaise, au fond desquels les voyous ont fait des glis-