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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/200

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obus a enlevé hier la cheminée, et qui repâtisse héroïquement aujourd’hui.

Tout le monde est sur le pas de ses portes, en même temps que sur le qui-vive d’un obus : les femmes ayant oublié de faire leur toilette, et quelques-unes se montrant en bonnet de nuit.

Sur la petite place, à l’aspect italien, des gamines regardent, masquées par le porche de l’église, les obus tomber au fond du boulevard, et la grande caserne de Sainte-Périne, toutes ses fenêtres fermées, et sans un vivant derrière ses carreaux, semble évacuée de toutes ses vieillesses, descendues à la cave.

Je suis las, brisé… On mange si mal et l’on dort si peu. Rien ne ressemble plus à ma nuit de chaque jour, depuis le bombardement, qu’à la nuit passée à bord d’un bâtiment, pendant un combat naval.

Lundi 9 janvier. — Absence d’allants et de venants sur notre boulevard ; seuls, des gardes nationaux se rendant à leur poste, et des brancardiers se dirigeant vers le Point-du-Jour.

L’omnibus est en train de se replier en arrière, et je vois le déménagement du dépôt, où un obus de cette nuit a tué huit chevaux, et blessé sept autres, dont il a fallu abattre cinq.

À la gare du chemin de fer de Passy, des groupes d’hommes qui causent éclats d’obus ; des groupes de femmes qui se communiquent des recettes culinaires pour faire, avec rien, quelque chose ; un jeune soldat de ligne qui montre, sur son bras, un prétendu rico-