Aller au contenu

Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

petit garçon, que ses engelures empêchent de marcher. L’enfant n’a rien eu que la peur du plâtre tombé du plafond.

Aujourd’hui commence la distribution d’un pain, dont un morceau sera une vraie curiosité pour les collections futures, un pain où l’on trouve des fétus de paille.

Mardi 17 janvier. — L’on parle d’une batterie prussienne élevée à la Porte Jaune, près Saint-Cloud, qui, sous peu de jours, doit rendre Auteuil intenable.

Mercredi 18 janvier. — Aujourd’hui, c’est le rationnement à raison de 400 grammes par individu. Songe-t-on qu’il y a des gens condamnés à se nourrir de si peu ? Des femmes pleuraient, à la queue du boulanger d’Auteuil.

Ce ne sont plus quelques obus égarés, comme les jours précédents, c’est une pluie de fonte qui, peu à peu, m’enveloppe et m’enserre. Tout autour de moi des détonations à cent, à cinquante pas, à la gare du chemin de fer, rue Poussin, où une femme vient d’avoir le pied emporté. Et pendant que de la fenêtre, je reconnais, avec une longue-vue, les batteries de Meudon, un éclat me frôle presque, et fait rejaillir la boue contre la porte de ma maison.

Je passais, à trois heures, à la barrière de l’Étoile. Les troupes défilaient. Je m’arrêtai.