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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/226

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marin qui passe, avec son paquet, sous le bras.

On ne tarit pas sur l’incapacité du gouvernement en général, l’on ne tarit pas sur l’inintelligence de chaque membre de ce gouvernement. Un convive de Brébant me racontait avoir entendu ceci de la bouche d’Emmanuel Arago : « Nous ménageons une jolie surprise aux Prussiens, ils ne s’y attendent guère, ils seront joliment attrapés quand ils voudront entrer à Paris. » Mon ami s’attendait à l’annonce de feu grégeois ou de quelque chose semblable. Non, il se trompait. Emmanuel, après avoir fait un moment désirer sa réponse, accoucha de cette phrase : « Les Prussiens ne trouveront pas de gouvernement avec lequel ils puissent traiter, car nous nous serons retirés ! »

Je parcours les quartiers bombardés : des balafres, des trous, mais sauf un pilier emporté au magasin de la Balayeuse, place Mouffetard, rien de bien effrayant. Une population qui se déterminerait à se terrer dans ses caves, pourrait très bien, et sans grand péril, supporter un mois de bombardement à toute volée. Dans ces quartiers, on rencontre des petites voitures à bras ramenant les mobiliers, et la circulation de la vie semble y renaître.

Un militaire, en manteau blanc, tendant un obus au conducteur de l’omnibus : « Prenez-moi cela, pendant que je monte, et faites attention… sacredié, faites attention ! »

Burty me confirme l’affiche mystique de Trochu, dont on avait parlé au dîner de Brébant : la célébra-