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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/254

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toutes les portes de l’appartement, pour qu’à la première apparition de l’armée du Comité, des hommes puissent y prendre position. Je regarde mes meubles de marqueterie, mes bibelots, mes porcelaines, mes livres qui se trouvent à demi mis en place, à demi étalés à terre, et je pense qu’ils vont passer un mauvais quart d’heure, à l’assaut de la maison.

À la gare Saint-Lazare, une garde nationale effarée me ferme sur le nez une barrière en bois, et me crie que le chemin de fer ne va plus.

Vendredi 24 mars. — En dépit des barricades que je vois faire et perfectionner, place Vendôme, un apaisement, une détente. Il ne faut qu’un coup de fusil pour tout changer, mais à l’heure qu’il est, la situation perd de sa gravité par le fait que les uns ne sont pas fixés sur ce qu’ils veulent obtenir, les autres sur ce qu’ils veulent accorder.

Lundi 27 mars. — Ces jours-ci, j’ai eu, croyant à tout jamais en être débarrassé, une crise de foie qui a duré quatorze heures. Quatorze heures à me tortiller comme un ver coupé. Je crois que, de ma vie, je n’ai encore autant souffert. J’en sors brisé, avec la viduité de tête et la faiblesse d’un homme qui a fait une maladie de quinze jours. C’est la liquidation du siège et de ses suites. Fait curieux : cette maladie de foie qui a tué mon frère et qui me tuera sans