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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/268

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la journée, et je n’entends parler que du passé, du siège de Paris, des incidents de ce siège et de l’ineptie de la défense. L’on sent très bien que la principale force de l’insurrection vient, non de ce que Versailles fait de bête ou de maladroit, mais de ce qu’ont manqué d’entreprendre les Trochu et les Favre. Et la grande faute de Thiers, est d’avoir admis dans son ministère, les hommes dont l’incapacité semble au peuple une trahison.

Ce soir, sur le boulevard, les glapissements de la vente du Soir, de la Commune, de la Sociale, enfin de la Montagne, qui annonce la proclamation de la République en Russie.

À Auteuil, il y a en ce moment des gens qui achètent des cordes, pour se faire descendre, par les amis, le long des fortifications, et se sauver de la réquisition nationale.

Dimanche de Pâques, 9 avril. — Un sommeil, à tout moment, interrompu par des coups de canon.

Le concierge de la villa me prévient qu’on doit venir faire des visites domiciliaires, à midi. Il m’engage, si j’ai des armes, à les cacher. Ces messieurs prennent tout : armes de luxe, de collection. Il a vu emporter des arcs et des flèches de sauvages.

En allant à Paris, je vois passer, entre cinq gardes nationaux, un pauvre diable de savetier, que j’ai aperçu souvent travailler dans une échoppe, près du marché, et que, tout malade, on a fait lever de son