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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/29

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Je suis frappé, en lisant les lettres du paysagiste Théodore Rousseau, du côté sophiste, rhéteur, du côté alambiqué, qu’il y a dans toutes les grandes intelligences du dessin et de la peinture, à commencer par Gavarni, à finir par Rousseau.

21 août. — Au bois de Boulogne. À voir sous la cognée tomber ces grands arbres, avec des vacillements de blessés à mort, à voir là, où c’était un rideau de verdure, ce champ de pieux aigus, luisant blanc, cette herse sinistre, il vous monte de la haine au cœur pour ces Prussiens, qui sont cause de ces assassinats de la nature.

Je reviens, tous les soirs, en chemin de fer, avec un vieillard dont je ne connais pas le nom, un vieillard intelligent et bavard, qui semble avoir vécu dans tous les mondes, et en posséder la chronique secrète. Il parlait hier de l’Empereur, et racontait son mariage au compartiment, dans lequel j’étais. L’anecdote, prétendait-il, lui avait été contée par Morny, qui disait la tenir de la bouche de l’Empereur. Un jour, l’Empereur demandait à Mlle de Montijo, avec une certaine insistance, et faisant appel à sa parole, comme on en appellerait à l’honneur d’un homme, lui demandait si elle avait jamais eu un attachement sérieux ? Mlle de Montijo aurait répondu : « Je vous tromperais, Sire, si je ne vous avouais pas que mon cœur a parlé, et même plusieurs fois, mais ce que je puis vous assurer, c’est que je suis toujours Mlle de