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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/294

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léreuse. Et devant le spectacle de cette dévastation, un petit vieux, dont les yeux semblent deux jets de gaz, parle de supplices effroyables à infliger à Thiers, avec des mouvements de mains assassines, qui ont devant lui des contractions d’étrangleur.

 

Dans ce moment-ci, le café Voisin est l’endroit où l’État-major de la place Vendôme vient prendre le café, avec quelques frères et amis. Il est curieux d’entendre ces messieurs, et d’assister, de son coin d’ombre, à cette sauvage parlotte. Aujourd’hui la destruction de la colonne Vendôme les amène à parler du Musée de Cluny. L’un d’eux, déblatérant contre ces fausses anticailles, émet l’idée que l’argent consacré à ces achats stupides, est détourné d’une destination utilitaire et profitable au peuple, et conclut à la vente de ces bibelots au profit de la nation.

Burty, qui a passé la journée avec les gens de la Ligue, me confirme cet hébétement, ce fatalisme résigné des gens qu’il a vus, et dont beaucoup n’ont pas voulu rentrer à Paris. Il me raconte que passant avec une voiture d’ambulance, devant un groupe de femmes ramassées sous une porte cochère, comme il leur avait crié, si elles voulaient rentrer à Paris, sa demande avait été accueillie par une espèce de rire : — un refus à la fois triste et moqueur.

Mercredi 26 avril. — Oui, je persiste à le croire, la Commune périra, pour n’avoir pas donné satisfac-