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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/32

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Il m’entretient d’une série de romans qu’il veut faire, d’une épopée en dix volumes, de l’histoire naturelle et sociale d’une famille, qu’il a l’ambition de tenter, avec l’exposition des tempéraments, des caractères, des vices, des vertus, développés par les milieux, et différenciés, comme les parties d’un jardin, « où il y a de l’ombre ici, du soleil là ».

Il me dit : après les analyses des infiniment petits du sentiment, comme cette analyse a été exécutée par Flaubert, dans Madame Bovary, après l’analyse des choses artistiques, plastiques et nerveuses, ainsi que vous l’avez faite, après ces œuvres-bijoux, ces volumes ciselés, il n’y a plus de place pour les jeunes ; plus rien à faire ; plus à constituer, à construire un personnage, une figure : ce n’est que par la quantité des volumes, la puissance de la création, qu’on peut parler au public.

Dimanche 28 août. — Dans le bois de Boulogne, où on n’avait guère vu que de la soie ou du drap riche, entre le vert des arbres, j’aperçois un grand morceau de blouse bleue : le dos d’un berger, près d’une petite colonne de fumée blanchâtre, et tout autour de lui des moutons broutant, à défaut d’herbe, le feuillage de fascines oubliées. Partout des moutons, et dans le creux d’un sentier, couché sur le côté, un bélier mort, la tête aux cornes recourbées, toute aplatie, et d’où suinte un peu d’eau sanguinolente, élargissant, petit à petit, une tache rouge dans