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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/357

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à Mussy, — Mussy, la première étape de notre voyage en 1849, — Mussy, où nous sommes arrivés si fatigués, les pieds tellement meurtris par nos gros souliers neufs. Je retrouve avec une profonde tristesse, dans un coin de l’église, cette vieille descente de croix en pierre, que nous avions dessinée ensemble, et que je ne croyais jamais revoir — tout seul.

Mercredi 19 juillet. — Toujours des nuits pleines de cauchemars. C’est d’abord sur moi l’étreinte de deux mains d’assassins, qui me font réveiller avec le cri : Au secours ! Puis je me rendors, et lui entre dans mon rêve. Je ne sais pourquoi et par quelle circonstance, nous nous trouvons chez Nadar, et comment il y a chez Nadar, une ancienne édition de la Comédie du Dante, une édition merveilleuse.

Dans mes rêves, il est toujours malade de sa dernière maladie : c’est ainsi seulement qu’il m’est donné de le revoir. Et je m’aperçois tout à coup que, dans un moment de distraction, il a déchiré toutes les marges des premières pages. Et je suis dans d’horribles transes que Nadar ne s’en aperçoive, que Nadar ne découvre l’état du malheureux.

C’est maintenant perpétuellement une suite de rêves anxieux et biscornus, où continue, pendant mon sommeil, la souffrance de toute la dernière année de sa maladie.