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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/364

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que la grandeur de ses devoirs l’a élevée naturellement, au-dessus des petitesses de la religiosité.

À ce sentiment se joint, chez cette travailleuse, qui passe trente-six heures d’une traite près d’une malade, un dédain, quelquefois colère, contre les fainéants du métier, contre les ordres qui ne travaillent pas, contre les ordres qui ne passent pas la nuit, et même contre les curés, que la sainte fille regarde comme des paresseux.

Et ce dédain de la communauté tout entière, se traduit singulièrement : la communauté a un chien qui mord spécialement les mollets des curés. Et, lorsque je lui dis : — Mais ce n’est pas naturel, il faut qu’on l’ait dressé à cela ? La sœur a un charmant gros rire, avec un « Faut le croire ! » adorable.

Elle ne se plaint de rien, trouve son sort le plus heureux du monde, ne le changerait pas, selon son expression, contre celui de Badinguet. Il n’y a qu’une seule chose à laquelle elle n’est pas encore accoutumée, et qui lui coûte, chaque nuit, un nouvel effort : c’est le manque de sommeil. Et c’est vraiment joli d’entendre dire à cette grosse femme, d’une voix doucement dolente : « Oh ! chaque nuit que je passe, il faut que je renouvelle mon sacrifice ! »

Samedi 30 septembre. — Dans les maladies, les symptômes physiques, quelque graves qu’ils soient, je ne les redoute pas beaucoup, ce sont les symptômes moraux dont j’ai peur.