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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/37

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fronton, un homme enlève au drapeau tricolore son bleu et son blanc, et ne laisse flotter que le rouge.

À la terrasse donnant sur le quai d’Orsay, les lignards offrent, par-dessus le parapet, aux femmes qui se les arrachent, des rameaux verts.

À la grille des Tuileries, près du grand bassin, les N dorés, sont dissimulés sous de vieux journaux, et des couronnes d’immortelles pendent à la place des aigles absentes.

À la grande porte du palais, je vois écrit, à la craie, sur les deux tablettes de marbre noir : À la garde des citoyens. D’un côté est grimpé un mobile, son mouchoir encadrant sa tête à l’arabe sous son képi, de l’autre côté un jeune soldat de ligne tend son shako à la foule : Pour les blessés de l’armée française. Et des hommes en blouse blanche, d’un bras entourant les colonnes du péristyle, et une main appuyée sur un fusil, vocifèrent : Entrée libre du bazar, pendant que la foule fait irruption, et qu’une immense clameur s’engouffre dans l’escalier du palais envahi.

Sur les bancs, contre les cuisines, des femmes sont assises, une cocarde piquée dans les cheveux, et une jeune mère allaite tranquillement un tout petit enfant, dans ses langes blancs.

Le long de la rue de Rivoli, on lit sur la vieillesse noirâtre de la pierre : Logement à louer, et des affiches écrites à la main portent : Mort aux voleurs. Respect à la propriété.

Trottoirs, chaussées, tout est plein, tout est