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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/39

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qui font au-dessus des têtes, comme une giboulée de flocons de neige. « Les chiffonniers vont faire leur beurre ! » dit un homme du peuple, de ces papiers : les bulletins du plébiscite du 8 mai, portant les oui, imprimés d’avance.

De temps en temps, des figures de l’extrême gauche, qu’on nomme à côté de moi, viennent cueillir les vivats de la foule, et Rochefort montrant, une minute, sous sa tignasse révoltée, sa figure nerveuse, est acclamé comme le futur sauveur de la France.

En revenant par la rue Saint-Honoré, on marche, par les trottoirs, sur des morceaux de plâtre doré, qui étaient, il y a deux heures, les écussons aux armes impériales de fournisseurs de la ci-devant Majesté, et l’on rencontre des bandes où, tête nue, des hommes chauves, cherchent à exprimer, avec des gestes épileptiques, ce que ne peut plus crier leur voix enrouée, leur gosier aphone.

Je ne sais pas, mais je n’ai pas confiance, il ne me paraît pas retrouver dans cette plèbe braillarde les premiers bonshommes de l’ancienne Marseillaise : ça me semble simplement des voyous d’âge, en joie et en esbaudissement, des voyous sceptiques, faisant de la casse politique, et n’ayant rien, sous la mamelle gauche, pour les grands sacrifices à la patrie.

 

Oui, la République ! Dans ces circonstances, je crois qu’il n’y a que la République pour nous sauver, mais une République, où on aurait en haut un Gam-