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Page:Goncourt - Journal, t4, 1892.djvu/68

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Jeudi 22 septembre. — Sur les hauteurs du Trocadéro, dans l’air ventilant, et tout sonore de l’incessant tambourinement du Champ-de-Mars, des groupes de curieux, au milieu desquels des Anglais corrects, l’étui des courses au dos, tiennent avec des gants glacés, d’énormes jumelles. On voit des jeunes filles, d’une main maigrelette, soulevant avec de jolies maladresses une longue lunette d’approche, tandis qu’elles se bouchent enfantinement un œil, de l’autre main. De distance en distance, les télescopes, qui, pendant la paix, regardent le soleil et la lune, sont braqués sur Vanves, Issy, Meudon, et au milieu des curieux, pyramide sur une petite échelle, un mobile, le fusil au dos, et l’œil au verre grossissant. L’horizon n’est que brouillard et poussière, avec quelques fumées blanches, qu’on suppose des fumées de coups de canon.

En arrière des lorgnettes et des télescopes, éclate la bruyance de garçonnets de quatorze ans, formés en compagnies, et portant, comme drapeaux, des planchettes fixées sur de longues lattes, où se trouve écrit : « Aides d’ambulance, Aides de génie, Aides pompiers » : bataillons de gavroches, qui, la cigarette au coin de la bouche, s’improvisent acteurs de la révolution dans du tapage, et quelque chose qui ressemble à une émeute de momaques. Il y a là des frimousses de toutes sortes et des blouses de toutes couleurs, au milieu desquelles sont embrigadés de pâles enfants de troupe, et de roses petits mitrons, à la toque blanche.